Il était une fois, dans les pénombres d’une vaste et luxueuse chambre, les cris enragés d’une femme perturbaient le calme zen que la décoration tentait d’engendrer. Celle-ci donnait vie dans la douleur, dans la tristesse et le chagrin. Elle n’avait désiré ce bébé et n’avait eu le choix que de le garder, ayant appris cette grossesse bien trop tard pour avorter. La belle danseuse de flamenco avait perdu tout ce qui faisait sa grâce et son charme et son mari, PDG d’une entreprise de transport national coréen, était devenu bien fébrile. Elle avait tenté par plusieurs moyens de ne pas avoir d’enfant, reniant son gêne lupin qui se transmettrait obligatoirement dans le corps de son enfant. Son enfant sera loup, si son mari l’apprenait, tout serait fini. Mais elle n’eut plus le temps d’y penser, alors qu’une belle fille naquit, le cœur de la mère flancha et elle mourut de suite. Le père, ravagé, décida d’appeler cette enfant Feliz, espérant vivre dans la joie et le bonheur jusqu’au restant de ses jours avec cette fille qui serait son seul lien lui rappelant la femme de sa vie. Mais jamais il ne se douta que cela ne se passerait comme il l’entendait.

En effet, ce fut quelques années plus tard, lorsque la belle joyeuse arriva telle une boule d’énergie vers son père que tout bascula soudainement.

-Papa ! Je suis un loup !

Celui sourit, trouvant sa petite fort créative et pleine de vie. Mais son visage déchanta de suite lorsqu’il la vit se changer en cette monstrueuse bête. Enfin tout est relatif. Elle était toute mignonne, cette peluche, encore une enfant et cela se voyait à sa taille, à son pelage, à son air si adorable. Seulement l’homme ne la vit pas de la même façon. Elle ne comprit pas pourquoi il ne souriait plus et ne se retint pas pour pleurer.

Depuis papa est devenu un étranger. Feliz fut élevée par une nounou des plus distantes, effrayée par ce qu’elle voyait. Elle gardait ce métier seulement car la paye en était conséquente. Puis elle savait très bien que si le secret filtrait, ce n’était pas la ruine du père médiatiquement très connu qu’elle engendrerait, mais celle de sa propre famille aussi. Dans son contrat, la famille Kang avait strictement stipulé que la créature qu’était la jeune fille devait rester inconnue de tous sous peine de réprimandes coriaces et terribles. Malgré tout cela, la jeune femme avait signé, ne s’attendant pas à voir un loup.

Le beau coquelicot qu’était Feliz le vécut très mal, se trouvant monstrueuse, se maudissant d’être née ainsi. Toute sa jeunesse jusqu’à ses 16 ans, elle fut réprimée, cachée à tous, restant seule dans ce grand appartement où bon nombre de sages femmes avaient aidé sa mère à lui donner naissance. La jeune fille était triste, mélancolique, presque muette, comme si elle se laissait mourir. Un jour, avait elle eu à peine seize ans, elle décida de faire un tour, dehors, pour voir le monde, pour se revigorer le teint avec un brin de soleil et elle eut comme une révélation. Elle s’arrêta près d’un parc où bon nombre d’enfants jouaient. Les éclats de rire, les sourires, les mères qui s’inquiétaient pour leurs enfants, tout cela la révolta contre sa propre famille. Elle rentra chez elle, fit rapidement ses affaires – c’est-à-dire un sac rempli de quelques fringues et de nourritures – et écrivit une lettre à son père où elle lui disait simplement qu’elle ne reviendrait plus mais que s’il ne désirait pas voir sa carrière et sa vie réduite à néant à cause de son secret, il valait mieux que celui-ci ne lui coupe jamais les vivres. Il n’a tenté quoi que ce soit et a simplement obtempéré. L’argent n’était rien comparé à sa réputation. Elle se trouva rapidement un appartement alors, et continua ses études comme si de rien était. Elle se retrouva à la fac, étudiant la photographie et finalement décida de plonger directement dans le métier qui la passionnait ! De plus, elle avait retrouvé l’entrain qui faisait d’elle une petite tout à fait adorable et pleine de vie lorsqu’elle était jeune. La belle s’était fait des amis, avait trouvé d’autres loups comme elle. Elle se retrouvait être têtue, bagarreuse, fleur bleue, aimable, joueuse. En fait, elle profitait de tout ce temps perdu à ruminer seule.

Mais voilà, ajoutons qu’elle a grandi, que madame veut dévorer la vie à pleine dent, qu’elle a appris à chasser, qu’elle accepte n’importe quel défi, histoire de s’amuser. Elle a entendu l’histoire de l’imprégnation et se demande bien ce que cela peut procurer comme sensation. Ayant peur de souffrir, demoiselle a bien peur de se retrouver en cette situation un jour.