▬ tenue 1 2

Heureuse élue du quart du soir, Seo Yeon ne put cependant dormir pendant la journée après tout elle était en fait au boulot depuis neuf heures du matin. Elle ne savait pas trop pourquoi elle avait accepté de bosser les heures de son amie, mais maintenant qu’elle s’y retrouvait forcée - faute d’avoir réussi à dire non, elle se trouvait bien stupide. Après tout, elle n’avait pas envie de passer une nuit au commissariat alors qu’elle aurait très bien pu en profiter pour dormir ou plutôt pour sortir. C’était sans compter qu’elle s’était portée volontaire pour travailler le soir de Noël, ce qui n’était pas particulièrement étonnant de sa part comme elle ne faisait habituellement pas grand chose dans ces jours là. Néanmoins, les choses étaient différentes pour la soirée qui s’annonçait pénible. La logique n’était peut-être pas le fort de la demoiselle pour ce genre de chose. Puis il fallait comprendre qu’aligner deux quarts de travail ne lui plaisait pas plus que ça. Elle n’était même pas certaine qu’elle était supposée le faire en temps normal, mais ce n’était pas comme si elle chercherait à s’en venter. Les yeux rivés sur le tableau blanc où reposait tous les indices par rapport à l’enquête qu’elle avait sur les bras en ce moment, elle soupira légèrement. Rien n’avançait, il y avait forcément un indice qu’elle avait manqué, mais elle n’arrivait pas à mettre le nez sur quoi.
Passant une main dans ses cheveux, Seo Yeon dut se rendre à l’évidence que le tout n’avancerait pas si elle claquait des doigts ou si elle se contentait de fixer le tableau blanc avec insistance. Non, il fallait au moins qu’elle s’aère l’esprit un peu. Peut-être aller se balader au parc ? Probablement pas, pendant la journée c’était quelque chose qu’elle pouvait faire sans problème, puisqu’il y avait toujours quelqu’un pour la couvrir en disant qu’elle faisait une preuve, mais puisqu’il n’y avait pas le même personnel la nuit elle préférait rester tranquille... du moins à sa façon. Et ça, c’était commander de la nourriture chinoise. Notons qu’elle préférait de loin commander n’importe quoi de rapide plutôt que de s’amener quelque chose pour manger. Cuisiner des repas complets n’était pas vraiment son fort à la base.

Lorsque la nourriture fut arrivée, la demoiselle retourna s’installer devant le tableau blanc. Manger ne changeait absolument rien à la situation, il lui manquait définitivement quelque chose. Peut-être que la police scientifique avait trouvé quelque chose et avait oublié d’appeler ? C’était franchement très difficile à croire, mais qui sait, peut-être que ce serait son jour de chance ! Éternelle optimiste, malgré bien des choses, elle se tourna vers un autre officier lui demandant : « Qui est-ce qu'il y a pour la police scientifique ce soir ? Lim ? » Appeler les gens par leur nom de famille semblait être une habitude qu’elle avait prise en observant son père lorsqu’elle était plus jeune. C’était ridicule et ça sonnait vraiment cliché, mais en général personne ne faisait de commentaire. En voyant son collègue approuver légèrement, un sourire s’étira sur ses lèvres. Ses rapports avec le jeune homme n’avait rien de phénoménaux, au contraire, elle avait l’impression qu’il ne l’appréciait pas particulièrement. Ce que ça changeait ? Absolument rien, il y avait après tout un pari au sujet du nouveau venu. Puis c’était sans compter le fait qu’il l’intriguait tout particulièrement. Sa façon d’agir avec elle ou même d’agir en général, tout était un appel à la curiosité de la demoiselle. Par conséquent, l’idée d’aller lui payer une petite visite était tout particulièrement intéressante.

À peine cette idée eut-elle traverser son esprit qu’elle était en route pour aller faire un tour à la police scientifique. Elle avait même une bonne raison d’y aller pour une fois. Oui bon, c’était discutable considérant qu’il soit vraiment très étonnant qu’un oubli ait vraiment été fait. Un sourire estampé sur le visage, la demoiselle entra dans les bureaux de la police scientifique. « J’ai commandé du chinois, tu en veux ? » Franchement, elle ne s’attendait pas spécialement à ce qu’il lui réponde oui ou qu’il lui réponde tout court. Comme mentionné plus tôt, elle n’était pas particulièrement proche du jeune homme. Si elle n’avait aucun mal à se ficher de ce genre de chose, ce n’était pas nécessairement le cas de Jung Wan. Pas que ça la dérangeait non plus. Souriante, elle n’attendit pas qu’on l’invite à s’installer pour prendre place sur la chaise la plus proche d’elle. S’étirant légèrement, elle enchaina rapidement sur la raison de sa venue. « Je me demandais, est-ce que vous auriez trouvé quelque chose sur l’enquête sur laquelle je bosse et vous auriez oublié de faire passer le message ? » Elle s’attendait réellement à ce qu’il sache de quoi elle parlait comme ça sans plus d’indication. Au pire, elle ne comptait pas partir si rapidement alors s’il avait besoin de détail elle pouvait toujours lui en donner des indications. Ce n’était pas du tout sa priorité en fait - même si elle ne perdait pas de vue son enquête tout de même ! Elle venait surtout pour passer du temps avec le jeune homme, après tout c’était pour le bien du pari ! « Tu fais quoi en fait ? » Seo Yeon n’allait certainement pas laisser trop de silence dans la conversation ! Ce n’était pas comme ça qu’on se rapprochait de quelqu’un mine de rien. Puis elle s’en voudrait terriblement de ne pas percer le mystère qui entourait le jeune homme. C’était plus fort qu’elle, sa curiosité, elle ne la contrôlait pas vraiment.

Il l'avait senti venir... au sens propre comme figuré. Les narines de ce cher Jung Wan s'étaient instinctivement dilatées à l'approche de la jeune policière dans le département scientifique. Sans ressentir le besoin de se tourner vers elle, ni même pour la considérer un simple instant, le biologiste garda les yeux rivés sur son écran d'ordinateur. Le mieux était évidemment de feindre l'indifférence. Il n'allait certainement pas mimer un semblant de surprise, car peu son genre. Jouer les grands surpris n'était pas de son ressort, surtout auprès de ses « aînés » dans la boîte, qui se révélaient en fait, moins expérimentés que lui, étant donné qu'il avait l'âge et le savoir pour devenir leur supérieur. Seulement, à cause de son jeune visage, il était difficile pour lui d'atteindre le poste qui lui revenait. Gravir les échelons un à un, tout comme novice qui se respectait... C'était ainsi qu'il allait devoir fonctionner à présent qu'il était de retour au pays. Il devait tout recommencer depuis le point de départ. Wan n'irait jamais jusqu'à déballer toute sa science, mais il ne lésinerait en rien sur ses capacités en la matière, quitte à se faire passer pour un petit génie un peu trop arrogant. C'était déjà l'étiquette qu'on lui attribuait au département ; celui d'un petit prodige légèrement asocial. Évidemment, son travail l'amenait fréquemment à travailler auprès des enquêteurs. Ses semblables biologistes et lui dans la firme, étaient pour dire, indispensables au déroulement des plus importantes enquêtes. Vêtu de son impeccable blouse blanche propre aux scientifique, le vampire rédigeait un rapport sur les résultats d'un dossier qu'il traitait avec le plus grand soin. Tout comme son frangin, il avait ce petit côté perfectionniste qui le rendait plus charismatique encore, bien que peu commode. Il détestait par dessus-tout être dérangé en plein travail. Malheureusement pour lui, plus d'une contrainte s'interposa dès l'instant où la jolie blonde débarqua sur son territoire. L'odeur de la nourriture lui était complètement égal d'ordinaire. Mais dans le cas présent, ce petit élément qui s'ajoutait en plus dans ses sens olfactives lui extirpa une mimique de dégoût. Sans trouver la force et l'envie de paraître un minimum plus courtois, son regard se renfrogna et ses iris gagnèrent une teinte plus sombre qu'à l'accoutume.

« J’ai commandé du chinois, tu en veux ? ». Malgré le ton lancé, le jeune homme ne lui répondit pas. Dans un cas d'extrême concentration, il fit son possible pour l'ignorer et prétendre n'avoir rien entendu. Cette petite mignonne constituait à elle seule une véritable source de problème, de part son apparence bien trop troublante qui méritait sa part de mystère, et de part son odeur si enivrante et gourmande qui le tourmentait et le mettait constamment sur ses gardes. Il ne savait pas exactement ce qui lui prenait à ressentir à ce point le besoin de goûter au sang humain. La mélancolie ou la frustration peut-être, le faisait quelque peu dérailler. C'était qu'il n'était plus tout à fait objectif pour la simple et bonne raison qu'elle lui rappelait cet amour qu'il avait laissé derrière lui, vingts années auparavant. Même si elle n'y était pour rien, il lui reprochait tout simplement d'être le portrait craché de cette femme qu'il avait un jour aimé. Une humaine, tout comme elle, qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau ! Cette jeune femme qu'il avait rencontré par le passé portait le nom de Han Byul. Il ignorait au final ce qu'il était advenu de cette femme, mais il préférait se l'imaginer heureuse et comblée, auprès d'un homme qui la méritait bien mieux que son frère jumeau ou lui. Après toutes ses années, il avait fini par tirer une croix sur le passé et était même parvenu à oublier son visage. Il avait fallu qu'au bout de vingts ans, une petite jeune répondant au nom de Nam Seo Yeon lui fasse ressurgir tous ses vieux souvenirs... Pourquoi diable, lui ressemblait-elle autant ? Cette gamine ne pouvait pourtant pas être la fille de Han Byul...

« Je me demandais, est-ce que vous auriez trouvé quelque chose sur l’enquête sur laquelle je bosse et vous auriez oublié de faire passer le message ? ». D'un air grave - signe de mécontentement plus que perceptible - le biologiste lui jeta un regard de biais sans pour autant la considérer comme il se doit. Honnêtement, il ne voyait absolument pas de quoi elle voulait parler. Avec toutes les enquêtes aussi diverses que complexes qu'on lui confiait chaque jour, il était difficile pour lui de faire un constat immédiat entre la tête de l'enquêteur et l'affaire lui étant confié. Extirpant un soupir qui voulait en dire long, Jung Wan s'était finalement tourné vers la demoiselle en pivotant le tabouret sur lequel il était assis, et ce d'un mouvement sec. Il fit un effort considérable pour la regarder dans les yeux et fit un effort encore plus assidu pour ne pas regarder plus hostilement qu'il ne devait déjà l'être. Même si la malheureuse n'y était pour rien, c'était juste plus fort que lui. Il se méprisait tout autant de vouloir à ce point l'égorger vif, pour l'unique raison qu'elle puisse autant lui ressembler... « T'es mignonne, mais adresse-toi plutôt à mon supérieur. Lui il saura te répondre. » Le ton de sa voix et l'oublie du vouvoiement étaient en rien un manque de savoir vivre et politesse de sa part. Il pensait bien la rétracter en se montrant si peu avenant. D'autant plus que ce n'était pas la première fois qu'elle lui adressait la parole, bien évidemment. A sa dernière interrogation, il expira encore plus bruyamment pour marquer son ennui et se releva de son siège pour la contourner sans un bruit. Sans même regard. Que pouvait-elle comprendre de son travail ? A moins d'avoir fait des études approfondies dans les maths et les sciences appliquées, lui expliquer ce qu'il était en train de faire reviendrait à lui parler en hébreux, si ce n'est une langue martienne !

« J'ignore ce qui t'amènes réellement, mais ça ne m'intéresse pas... Trouves-toi quelqu'un d'autre pour passer le temps. » Il était finalement entré dans une pièce annexe en portant un dossier sous le bras. Rendu à l'intérieur du laboratoire, le biologiste se désinfecta rapidement les mains avant d'enfiler une paire de gants, se plaçant au-dessus de son poste de travail pour y poursuivre ses analyses. Il se fichait bien de laisser la blondinette en plan, mais se fichait guère de la savoir toujours là. Au travers des épaisses baies vitrées, il pouvait toujours la voir bien que son arôme suffisait à la savoir à proximité. Pestant contre lui-même, son attention se reporta suffisamment vite sur son dossier qu'il espérait clôturer avant la fin de son service. Les échantillons concernés en mains, Jung Wan s'attela à un travail minutieux et il entreprit d'examiner le moindre indice en sa possession au microscope.

Être ignorée par le jeune homme ne la dérangeait pas le moins du monde... ou plutôt elle choisit de ne pas soucier. Ce n’était pas comme s’il avait l’habitude de longuement discuter avec elle. C’était vraiment à se demander si gagner le pari valait vraiment la peine de se faire ignorer de cette façon. Pour Seo Yeon, c’était évident que c’était le cas, quitte à avoir l’air complètement bizarre. Elle était habituée, elle était généralement l’énergumène beaucoup trop joyeuse pour ses camarades. Ça, ça ne le dérangeait vraiment pas. Continuant d’observer Jung Wan, elle garda le silence pendant un court moment. Elle ne comptait peut-être pas sur lui pour lui faire la conversation, mais un effort n’aurait pas été refusé. Tant pis, elle n’était pas là pour lui reprocher d’être asocial, elle n’était pas vraiment supposée être là au final. Ce qui n’était clairement pas un soucis suffisamment important pour qu’elle s’en préoccupe. « Je vais prendre ça pour un non. » Elle faisait bien sur référence au silence auquel elle avait droit. Elle était presque contente qu’il refuse, ou ne daigne pas répondre, puisque ça faisait plus de nourriture pour sa petite personne. La demoiselle n’allait pas se faire prier pour engloutir tout ce qu’elle avait commandé, c’était généralement ce qu’elle faisait dès que l’ennui pointait le bout de son nez, c’était pratiquement un miracle qu’elle réussisse à garder la ligne.

Passant de la nourriture au sujet principal de sa venue - du moins celui qui resterait comme officiel dans les faits, à savoir son enquête. Elle ne comptait pas vraiment en parler de long en large avec lui, elle voulait juste savoir si la police scientifique avait trouvé quelque chose. Ça semblait peut-être stupide de venir demander plutôt que de chercher une autre preuve ou quelque chose qu’elle aurait manqué dans celles qu’elle avait déjà, mais franchement Seo Yeon savait pertinemment que ce n’était pas en fixant ce qu’elle avait qu’elle réussirait forcément à trouver la clé qui lui manquait. Certes, elle pourrait toujours avoir une autre révélation très bizarre, mais franchement, elle ne comptait pas particulièrement sur ça. La chance avait sa part d’utilité dans les enquêtes, mais les baser sur ça serait une terrible erreur qu’elle ne préférait pas commettre. Un bruyant soupir la ramena à la présente situation. De toute évidence, il y avait quelqu’un qui n’appréciait pas spécialement sa présence, pas que ça changeait quoi que ce soit. Elle comptait bien s’imposer, il n’avait pas son mot à dire. Souriant à pleines dents alors qu’il se tournait vers elle, Seo Yeon fit de son mieux pour ignorer le regard auquel elle avait droit. Au moins il ne l’ignorait pas, c’était déjà ça. « T'es mignonne, mais adresse-toi plutôt à mon supérieur. Lui il saura te répondre. » Son supérieur ? Hors de question. Ce n’était pas en s’adressant à son supérieur qu’elle gagnerait le pari ou qu’elle comprendrait pourquoi il était comme il était. Non, il était l’heureux élu de sa curiosité, pas de chance pour lui, il ne s’en tirait pas si facilement. Elle fut presque tentée de soupirer pour le coup, mais elle garda ce découragement pour elle alors qu’elle lui répondait. « Je vais passer mon tour, je crois que ton supérieur ne m’aime pas beaucoup et c’est un vieux grognon en prime alors. » Elle avait complètement ignoré le ton qu’il avait employé pour lui répondre joyeusement. Certes, le caractère ‘grognon’ s’appliquait plus que bien au jeune homme, mais puisqu’à ses yeux il n’avait rien de vieux, il y avait une nuance à faire. Puis ce n’était pas comme si le traiter de grognon établirait un minimum de discussion.

Un autre soupir marqua l’énervera du jeune homme qu’elle suivit du regard alors qu’il la contournait. S’il croyait vraiment que c’était suffisant pour qu’elle parte, il se trompait royalement. Seo Yeon ne put s’empêcher de sourire de plus belle en l’entendant lui dire de trouver quelqu’un d’autre pour passer le temps. Elle espérait à moitié qu’il n’était pas en train d’espérer la voir partir si rapidement, même en se glissant dans le laboratoire. Elle soupira néanmoins en déposant son repas sur la table la plus proche avant de le suivre. Elle n’avait pas plus de gêne à entrer dans le laboratoire qu’elle n’en avait eu pour le déranger à la base. « Je ne sais pas si t’as remarqué, mais il n’y a pas foule le soir. » La plupart des effectifs étant à patrouille, elle n’avait pas vraiment de personne avec qui passer le temps, du moins personne d’aussi intéressant ! Vraiment, c‘était pratiquement un compliment à l’égard du jeune homme qu’elle cherche autant sa compagnie. Bon réellement, c’était surtout parce que Jung Wan l’intriguait, mais ça, il n’était pas obligé de le savoir. « Je ne sais pas pourquoi tu bosse le soir d’ailleurs. C’est si ennuyant. » C’était un commentaire comme un autre et non un reproche, mais elle ne pouvait pas nier que ça aussi, ça faisait partie des choses qui le rendait intriguant. Pour la peine elle demanda rapidement : « Pourquoi ? » À quelque part, elle était consciente qu’elle le dérangeait alors qu’il bossait sur une enquête, mais il semblait assez compétent pour se faire déranger un peu. Puis franchement ce n’était pas comme si elle allait commencer à jouer avec ses échantillons elle était assez pointilleuse dans son propre travail , bien que ce n’était pas vraiment un trait très apparent, pour ne pas gâcher celui des autres. Le déranger était donc une chose, mais elle ne comptait pas s’approcher de trop près. « C’est quoi t’es sensible au soleil alors tu bosse le soir ? » Elle disait franchement n’importe quoi, une raison comme une autre de préférer les quarts du soir. À ses yeux, c’était surtout un moyen de le pousser un peu plus parler et comme la raison ‘tu n’aime pas les gens’ ne sonnait pas si bien, elle devait y aller avec un problème avec le soleil. Puis étrangement, c’était ce qui lui semblait le plus sérieux, une drôle d’impression comme ça.

Vraiment, cette femme le dérangeait en tous points. Quelque chose lui disait qu'il ne tiendrait pas bien longtemps... Non seulement de se sentir à cran, il avait comme l'impression qu'il ne pourrait plus lutter infiniment. Il fallait dire qu'elle ne faisait rien pour arranger les choses. En plus d'être bornée, cette nana était pot de colle comme pas possible ! Le summum. Tout ce qu'il ne supportait pas. Mais pouvait-il le lui en vouloir ? Il avait parfaitement conscience de l'effet qu'il procurait sur le subconscient humain. Une espèce d'attraction qui portait sur la fascination, en autre lié à ses origines. Ces simples mortels si crédules... Il en était presque blasé. Combien d'entre eux avaient échappé de peu à la mort en cherchant simplement à le côtoyer ? Non pas qu'il se serait nourri de leurs sangs pour assouvir un besoin quelconque, mais dans bien des cas il restait tenté. Pas par la faim, ni par curiosité, mais par un moment d'égarement. Il était difficile de lutter contre sa propre nature... Contre la nature d'un tueur né. Il n'était techniquement pas une menace, mais il pouvait le devenir s'il relâchait à tout moment son attention. Malgré ses principes, il restait d'une nature très impulsive. La présence de Seo Yeon suffisait à l'affaiblir et à le faire douter de lui. Il était pourtant du genre à se surestimer... Sauf que là, il doutait de lui. Il avait conscience de ne pas être totalement objectif et il craignait de commettre une énorme erreur par le simple impact qu'avait un souvenir. Se savoir aussi faible pour cette raison le révulsait complètement. C'était pourquoi il la rejetait. Ce pourquoi il se montrait aussi froid et austère, autant pour lui que pour elle. Il n'avait aucune envie de se lier à cette demoiselle. Il ne se laisserait pas duper par son si beau visage.

« Je vais passer mon tour, je crois que ton supérieur ne m’aime pas beaucoup et c’est un vieux grognon en prime alors. ». A cette réplique, Jung Wan abaissa le regard, les traits durcis par la colère. Il ne supportait pas que l'on puisse manquer de respect envers son supérieur. Ne supportait encore moins la remarque qu'il prenait à cœur et pour laquelle il se sentait visé. Oui ça l'énervait en quelque sorte de se faire passer pour un vieux grognons. C'était effectivement ce qu'il était devenu au fil du temps. Elle lui rappelait qu'ils n'étaient pas de la même génération. A l'inverse, il était dans la tranche de son supérieur et se plaisait davantage à converser avec ce dernier « grognons ». Quelque part, ça le vexait tout de même sans trop savoir pourquoi. Il ne voulait pas devenir un vieux con, proprement parlé. Il souhaitait juste mener une petite vie tranquille. A vrai dire, il s'interrogeait bien souvent sur le sens de son existence et sur ce qu'il pouvait accomplir. Supporter une petite enquiquineuse sur pattes était une étape à passer vers le chemin de sa destinée ?

En la voyant surgir dans le laboratoire, une petite voix dans sa tête lui murmura qu'il n'avait encore rien vu. « Je ne sais pas si t’as remarqué, mais il n’y a pas foule le soir. » - « Très perspicace. » commenta sombrement Jung Wan. Une mimique grave s'étira de ses lèvres tandis qu'il continuait à l’écouter, cachant son désintérêt pour ce qu’elle disait. Il s'efforça à même de l'ignorer et s'obligea à ne plus respirer pour ne plus avoir à sentir son odeur. Une chose qu'il n'avait pas besoin de faire de toute évidence, sauf si elle s'en rendait compte, il devrait alors trouver une excuse. Mais dans le cas présent, il lui était impossible de faire autrement. Son arôme était une damnation. Une tentation trop pesante. Inconsciemment ses poings s'étaient renfermés dans sa paume et la lueur dans ses yeux étaient devenue plus sombre. Malgré la tirade dont il était l'unique spectateur, le vampire fit la sourde oreille et se pencha sur son dossier dont il rédigeait soigneusement les notes au fur et à mesure de ses observations. Il n'était plus tout à fait certain de pouvoir tenir et il n'était pas d'humeur à jouer avec le feu. Pas avec elle. Si seulement elle pouvait partir... Il souhaitait juste qu'elle s'éloigne. Il ne devait pas lui faire du mal. Mais pourquoi diable, était-elle aussi curieuse ?

« C’est quoi t’es sensible au soleil alors tu bosse le soir ? ». Il s'était brusquement raidit et avait maladroitement laissé glisser son stylo le long de ses fins doigts. Cette fois c'était certain ; cette chieuse était plus clairvoyante qu'elle ne se le savait elle-même ! Des ennuis... C'est tout ce qu'elle allait lui procurer. « C'est ridicule. » répondit-il d'une voix glacée. « Je serai quoi alors ? Un vampire peut-être ? ». Il s'était brusquement tourné vers elle pour la surplomber de sa haute taille. Pendant un instant, il s'était égaré à la regarder bien plus qu'un simple instant. Mise à part la coloration blonde, elle était sa pâle réplique. Comment et pourquoi ? Pour quelle raison le confrontait-on de nouveau à cette femme ? Quelle était l'explication ? Le sens ? C'en était plus que troublant. Cette lueur si sinistre dans son regard avait laissé place à une expression déconcertée. Sa colère, son incompréhension, tout, s'était volatilisé en un éclair. Seo Yeon l'avait probablement elle-même remarqué. Il savait pertinemment qu'il n'était plus en train de la toiser de la même manière. De façon bien plus inconsciente, l'une de ses mains se leva au devant de son visage dans l'impulsion même de pouvoir la sentir au travers d'une caresse. Les traits plus attendris par l'illusion qu'il puisse s'agir de Han Byul, le biologiste écarquilla soudain les yeux avant d'abaisser le regard. Bien gêné au final, il réalisait qu'il était que trop faible face à elle. Il ne savait pas exactement sur quoi il allait rebondir, mais le mieux était toujours de paraître austère. Se renfermer sur lui-même, telle était la solution pour se protéger. Pour la protéger. « Tiens-toi à l'écart de moi et tu t'en porteras mieux... Si tu veux, je vais reformuler ça autrement. Tire-toi de là. ».

Bien inconsciente du possible qu’elle courait, et surtout bien confiante en ses capacités pour ce qui était de se défendre, Seo Yeon ne voyait donc aucune raison de laisser Jung Wan tranquille. Le fait qu’elle l’énervait visiblement ne rentrait pas non plus dans la ligne de compte. Non, elle allait patiemment qu’il s’ouvre un peu à elle ou tout au moins qu’il y ait un semblant de conversation entre eux. Elle n’était certes pas complètement désillusionnée et se doutait bien que ça n’arriverait sans doute pas de sitôt - surtout pas vu ses techniques très brillantes, mais ça ne l’empêchait pas de continuer à trainer là. Surtout pas considérant le fait qu’il n’y avait pratiquement personne d’autre à qui parler. Puis il y avait le pari, bref, une foule de raison qui la forçait tout simplement à continuer d’essayer, n’en déplaise au jeune homme.
Son commentaire sur le patron de Jung Wan ne sembla pas faire d’heureux, mais pour une fois, ce fut au tour de la demoiselle d’ignorer le jeune homme. Ce n’était pas une insulte bien méchante, rien qu’un constat qu’elle avait déjà mentionné, par erreur, au principal concerné. Que ce dernier n’ait pas beaucoup apprécié le commentaire était particulièrement normal, mais elle ne comprenait pas pourquoi le jeune homme devait réagir autant. Ce n’était pas comme si ça le concernait personnellement, du moins pas pour la partie de la vieillesse aux yeux de la jeune femme. Enfin, d’où l’intérêt de l’ignorer pour le coup.

Ce qui ne l’empêcha pas de le suivre jusque dans le laboratoire. Au moins, Seo Yeon avait la conscience professionnelle de ne rien toucher. Elle ne voulait pas être la cause d’une erreur quelconque dans une enquête ou pire, être mêlée dans une enquête. Elle pouvait au moins se permettre de parler au jeune homme, qui était toujours aussi agréable à son égard. « Très perspicace. » Un sourire s’étira sur ses lèvres avant qu’elle ne réponde : « À croire que je ne suis pas détective pour rien. » Oui bon, évidemment, si les gens devenaient détectives pour de telle déduction, les enquêtes n’iraient jamais loin, mais puisque Jung Wan lui avait répondu, il fallait bien qu’elle commente à son tour. C’était probablement fort inutile, surtout qu’il s’était mit dans l’idée de l’ignorer complètement. Du moins c’était l’impression qu’elle avait. Heureusement, elle ne prêtait pas suffisamment attention à ce qu’il faisait précisément pour remarquer qu’il ne respirait pas. C’était une bonne chose pour lui, sinon il risquait de s’exposer à une autre multitude de question, déjà qu’elle en posait pas mal pendant sa tirade. Alors qu’elle se faisait tout simplement ignorer, la demoiselle fit un pas en avant, mine de regarder ce qu’il faisait. Sait-on jamais, il était peut-être en train de bosser sur quelque chose d’intéressant ! Peut-être même était-il en train de bosser sur son enquête à elle. Bon, ça, ce serait tout particulièrement étonnant, mais on pouvait toujours espérer. Quoi que d’un autre côté ça la forcerait à faire son boulot... Enfin, c’était tout de même une perspective intéressante considérant qu’elle était bloquée.

Sa nouvelle théorie entraina des réactions, ce à quoi elle ne s’était pas du tout attendu. Jung Wan s’était raidi sur le coup et il en avait même laissé tomber son stylo. Pourtant, ce n’était définitivement pas la théorie la plus logique. Être sensible au soleil, c’était idiot même, mais elle avait lancé ça pour le faire réagir. Ce qui fonctionnait un peu trop en fait. Hochant légèrement la tête, avec un brin de sérieux lorsqu’il mentionna que c’était ridicule, elle était pourtant loin de s’attendre à la suite : « Je serai quoi alors ? Un vampire peut-être ? » Si elle n’avait pas broncher lorsqu’il s’était posté, debout, devant elle, la toisant de toute sa grandeur, elle n’avait pas pu rester sérieuse en entendant ce qu’elle disait. Au contraire, elle éclata tout simplement de rire. Un vampire, vraiment. Elle ne s’était pas attendu à ça et elle trouvait la théorie... marrante ? Non parce que c’était évident que les vampires n’existaient pas et encore plus qu’ils ne bossaient pas comme biologiste. Particulièrement hilare pour quelque chose qui n’était pas forcément si drôle, elle mit un moment avant de se calmer. « Un vampire... franchement. » Elle n’avait plus du tout l’air si sérieuse, déjà que ce n’était pas sa force, alors qu’elle enchainait : « Les vampires n’existent pas, alors non, limite une allergie je sais pas, mais vampire c’est juste un fantasme de jeunes filles. » Incrédule à ce niveau là, elle serait infiniment surprise si elle devait apprendre la vérité à ce moment précis. À la place, elle préféra préciser « Pas le mien, malheureusement. » accompagné d’un clin d’oeil. Bah quoi, il fallait bien profiter de l’attention dont elle jouissait tout à coup !

Évidemment, c’était sans pouvoir prévoir ce qui arriva par la suite. Elle fut tout particulièrement surprise d’ailleurs. Seo Yeon le regarda fixement, sans même chercher à empêcher la main du jeune homme de caresser son visage. Elle ne comprenait pas, elle ne comprenait pas du tout même. Il avait l’air déconcerté, c’était bien la première fois qu’elle le voyait ainsi. C’était un bon changement ! Pendant un instant, elle fut tentée d’aller caresser le visage du jeune homme à son tour, probablement sous l’impulsion du moment. Seulement, Jung Wan changea alors du tout au tout : « Tiens-toi à l'écart de moi et tu t'en porteras mieux... Si tu veux, je vais reformuler ça autrement. Tire-toi de là. ». - « Non. » Sur le coup, elle n’avait même pas réfléchi. Elle le pensait néanmoins. « Je suis capable de décider pour moi et je suis capable aussi de me défendre. » Elle répondait évidemment au ‘tu t’en porteras mieux’ qui l’énervait tout particulièrement. S’il y avait bel et bien une chose que la policière ne tolérait pas, c’était qu’on cherche à la protéger d’une manière ou d’une autre. Elle n’était peut-être pas certaine que c’était le but rechercher par le comportement du jeune homme, mais si c’était le cas, elle ne le laisserait pas faire. C’était horripilant pour elle, c’était plus fort qu’elle. Un pas en avant, elle attrapa l’avant bras du jeune homme, le forçant de toute sa force à lui faire face complètement. C’était probablement peine perdue mais : « Je te fais peut-être chier, mais d’abord, tu vas m’expliquer... ça. Parce que franchement je capte pas ce que je dois comprendre là. » Et par ça, elle visait évidemment la caresse, elle n’avait pas été contre, mais suivie d’un comportement aussi austère, c’était... incompréhensible, et désagréable. « Puis ta main est glacée, qu’est-ce qui t’arrive ? » Une énième question, mais disons que c’était aussi surprenant que le reste sur le coup.

Il avait bien cru se montrer intimidant. Il l'avait espéré surtout. C'était sans compter l'éclat de rire qui le déconcerta pour le bon, les sourcils froncés par l'incompréhension. Sa théorie - bien que réelle – n'avait eu selon lui rien de drôle. Il n'avait pas cherché à être pris au sérieux, mais quelque part cette inconsciente touchait sa fierté en se moquant aussi ouvertement de sa véritable nature. Contradictoirement parlant, il était bien soulagé qu'elle ne le prenne pas au pied de la lettre, mais il n'aurait su décrire sa frustration actuelle. Cela en plus du moment d'égarement dont il fit preuve ! Pour se montrer aussi négligent, Jung Wan s'en cognerait volontiers la tête contre le mur - jusqu'à-ce qu'une énorme brèche s'en suive – mais n'étant toujours pas seul, il s'y abstiendrait ! Pour le bien de ces locaux et de sa tête surtout... Même si les vampires étaient plus forts que n'importe quel être humain, leurs sens - quels qu'ils soient - étaient aussi largement plus développés. La notion de la douleur y comprise. Son cœur ne battait pourtant pas. Il n'avait jamais battu. Malgré cela il avait toujours su ce qui lui était arrivé le jour où il avait rencontré Han Byul. En quarante années d'existence, cette femme avait été la seule à éveiller ce cœur « endormi ». La seule... jusqu'à l'apparition de cette chose ambulante sur pattes ! Il était trop tôt et surtout trop stupide de parler tout de suite d'amour. Encore moins avec cette dernière. Seo Yeon le troublait seulement de part son apparence. Elle l'illusionnait, sans en avoir elle-même conscience. Cela ne pouvait en être autrement. Et probablement à cause de cette raison, il le sentait... ou plutôt ressentait cette espèce de flamme qui ressurgissait à l'intérieur de son cœur froid et amorphe. Après tant d'années il réalisait alors une chose qu'il s'était toujours refusé d'admettre. Ce premier amour, il ne l'avait toujours pas oublié... Et c'était à travers Seo Yeon que ses sentiments ressurgissaient... Comme si cela avait un sens ou un intérêt quelconque ! Face à son propre désarroi, le vampire poussa un profond soupir. Non vraiment, à quoi bon faire resurgir les démons du passé ? Il était trop tard pour eux maintenant. Cette femme était probablement mère, mariée et heureuse en ménage au jour d'aujourd'hui... Que pouvait-il bien faire dans ce corps de vingt-trois ans ? Il ne réapparaitrait pas pour réinstaurer du malheur. Avec son frère, ils en avaient assez prodigués dans leurs jeunesses folles... Ce pourquoi il en voulait sérieusement à la policière. Il avait toutes les raisons au monde de la mépriser. De la haïr pour ce qu'elle était ; d'apparence tout du moins. Il était d'autant plus méprisable de penser ainsi... Mais face à elle, il était résolument perdu, désorienté, frustré... et amoureux. Sauf qu'elle n'était pas Han Byul. Elle n'était rien de plus qu'une toile sombre. Une nuisance à ses yeux.

« Non. ». Son regard s'était alors plus assombris, les pupilles d'un noir déstabilisant. N'importe qui l'aurait catalogué de parfait lunatique en cet instant précis. Ou de comédien né. Car passer des yeux doux à un regard aussi meurtrier valait sans doute sa palme aux oscars ! Bien que psychologiquement affaiblit, Jung Wan ne supportait pas sa trop grande confiance en elle, et il admettait encore moins qu'on le contredise. Il sentait que l'air était devenu plus insoutenable encore, sans doute saturée par l'arôme omniprésente de la demoiselle... Puisqu'elle ne comptait pas dégager, alors ça serait lui le premier à partir. S'il ne souhaitait pas commettre un meurtre dans les prochaines minutes qui suivent, il avait tout intérêt à la fuir avant qu'il ne soit trop tard. Son corps s'était pourtant bien détourné le temps d'une seconde, mais son avant-bras fut suffisamment vite intercepté. Aussitôt crispé par ce contact, il avait instinctivement repoussé son bras avec une telle hargne qu'il aurait été capable de lui fracturer un os. « Je te fais peut-être chier, mais d’abord, tu vas m’expliquer... ça. Parce que franchement je capte pas ce que je dois comprendre là. ». Sauf qu'il n'en avait aucune envie. La voir. L'entendre. La sentir. Cela était déjà assez. Il lui était quasiment impossible de parler, ni même de bouger les lèvres, tant il se contenait et s'efforçait de pas l'égorger vif, pour en finir une bonne fois pour toute. Cette solution était tellement alléchante et radicale. Il ne lui suffisait que d'une fraction de seconde à peine pour en terminer avec son calvaire et ainsi retrouver la paix. Qu'avait-il à faire de cette vie humaine après tout ? Si cela pouvait soulager sa conscience... Sur le moment seulement. Car Jung Wan n'était pas fou, bien qu'impulsif. Il n'avait jamais été un tueur jusqu'à présent. Il espérait perdurer sur son sans faute et éviter une erreur qu'il se retrouverait à regretter toute sa vie. Tuer Seo Yeon revenait quelque part à tuer Han Byul. Même si l'envie le démangeait, il n'en était absolument pas capable. C'était plutôt elle qui allait finir par le tuer... Psychologiquement parlant, tout du moins. Car la mort, c'était ce qu'il était déjà.

« Dernier avertissement ; fiches-moi la paix et tu mêles-toi de ce qui te regardes. N'essaye même pas de me suivre ou tu vas le regretter... ». Des menaces de toute évidence en l'air, mais dans bien des cas, elle serait incapable de le contredire. Il était donc ressorti du laboratoire en claquant la porte dans son dos – probablement en la lui claquant au nez – il était clair qu'elle n'allait pas en rester là et le pourchasser toute la nuit s'il le fallait. Sauf que le vampire avait cette capacité que la belle n'avait pas ; celle de disparaître en un instant. Elle ne le retrouverait pas une fois qu'elle aurait rouvert la porte puisqu'il se retrouverait déjà à l'extérieur de l'établissement ; plus rapide que tout le reste. Jung Wan était ressorti par une fenêtre et avait sauté de plusieurs étages sans faire le moindre bruit, sans la moindre égratignure. Il n'était pas resté plus longtemps sur place et avait accouru jusqu'à l'autre bout du parking, à un endroit où il lui était impossible d'être perçu par Seo Yeon. Même les caméras de surveillance ne pouvaient rien contre lui. A la limite, on ne verrait de lui qu'une simple apparition floutée, tel un éclair. Encore fallait-il le voir sur ces dites bandes enregistreuses. A vrai dire il ne s'en souciait guère. Il était déjà loin maintenant...

Loin de s’imaginer que Jung Wan lui avait dit la vérité avec sa théorie, Seo Yeon n’avait pu que rire devant cette idée. Elle ne s’était cependant pas attendu à la suite de la situation. Elle ne comprenait pas ce qui se passait et encore moins des raisons pour lesquelles le jeune homme agissait ainsi. Inconsciente de sa ressemblance avec une ancienne relation de Jung Wan, elle ne pouvait que ne rien comprendre de ce qui lui arrivait. Une explication serait la bienvenue, mais pourtant, elle ne semblait pas être en position pour qu’elle ait doit à cette explication. Normalement, peut-être aurait-elle pu avoir une certaine illumination comme elle avait parfois, mais non, rien du tout. Tout ce dont elle eut droit à fut une menace ou plutôt un avertissement de la part de Jung Wan. Sauf qu’elle ne comptait pas l’écouter, du moins pas tant qu’il lui aurait expliqué ce qui s’était passé. Convaincue d’être capable de se défendre, tout autant inconsciente de la nature du jeune homme qui le rendait encore plus fort que n’importe quel homme qu’elle aurait affronté qu’elle était inconsciente du reste, Seo Yeon ne pouvait pas voir à quel point elle courait un risque en s’opposant autant à l’idée d’écouter l’avertissement de Jung Wan.

Même en ignorant ce léger détail, elle eut un léger mouvement de recul en voyant le regard du jeune homme changer du tout au tout. Sur le coup elle fut évidemment surprise, mais ce n’était pas une raison pour craindre quoi que ce soit ! Sauf que le regard meurtrier la stressait évidemment un brin. Pas que ça l’empêcha de continuer à demander des explications, lui attrapant même le bras. Ce qui avait été une très mauvaise idée. En effet, Jung Wan la repoussa assez rapidement et avec plus de force qu’elle s’était attendu à ce qu’il ait. Une nouvelle chose qui la surprit venant du jeune homme. Elle eut même mal sur le coup, bien qu’il était hors de question qu’elle pense même à le montrer. Seo Yeon se contenta tout simplement de tenir son bras, continuant dans sa tirade encore une fois. Elle semblait pas plus fonctionner que le reste. Elle continua de rester sur place à attendre. De toute évidence, elle ne serait pas capable de le retenir alors ça ne valait même pas la peine d’essayer. Au moins, elle avait conscience de ça maintenant, c’était toujours un début.
« Dernier avertissement ; fiches-moi la paix et tu mêles-toi de ce qui te regardes. N'essaye même pas de me suivre ou tu vas le regretter... » Elle aurait pu craindre la menace qu’il venait de lui faire, mais pourtant, ce ne fut pas le cas. Elle le regarda en silence - ce qui était miraculeux considérant à quel point elle aimait bien parler pour rien dire. Elle ne comprenait pas pourquoi il ne voyait pas encore que ça la regardait forcément vu comment il avait passé de l’ignorer, à lui caresser le visage, pour retourner à lui faire un autre avertissement bien trop sérieux. « Mais merde, explique et je vais te lâcher. » Elle avait beau dire ça, c’était plutôt évident qu’elle ne le ferait pas. C’était sans dire qu’il ne lui avait même pas laissé le temps de terminer sa phrase avant de sortir du laboratoire en claquant la porte.

Sur le coup, la policière se contenta de fixer la porte sans bouger. Comme si elle ne comprenait pas ce qui venait de se passer. Évidemment, l’instant d’après qu’elle était de l’autre côté à tenter de suivre. Pas qu’elle avait une chance à ce niveau là, elle ne voyait même plus de signe de lui. Continuant de suivre le chemin vers la sortie, elle réalisa qu’il n’était pas du tout là. Personne n’était aussi rapide que ça, mais d’un autre côté elle ne pouvait pas expliquer pourquoi il n’était pas dans son champ de vision. Seo Yeon retourna donc sur ses pas pour voir une fenêtre ouverte. Non, ça c’était tout simplement impossible, il ne pouvait pas avoir sauté en bas de la fenêtre, il se serait forcément blessé. Puis ce n’était juste pas possible - même si ça rendait la théorie de vampirisme drôle réaliste. Aucune chance qu’elle commence à y croire sérieusement, mais elle croyait tout de même qu’elle n’avait aucune chance de le rattraper puisque visiblement, il était beaucoup plus rapide qu’elle. Puis, il ne fallait pas oublier que malgré cette interlude, elle était en service et avait donc une enquête à régler. C’était frustrant et elle préférait de loin pourchasser Jung Wan, mais ce n’était plus vraiment une option. Elle retourna donc à son bureau sous les yeux du collègue qu’elle avait interroger au début de la soirée et qu’elle interrogea de nouveau en s’assoyant : « T’aurais pas vu Lim passer ? » Question idiote, mais entendre l’homme répondre à la négative confirmait un peu plus l’hypothèse qu’il ait sauter, mais franchement, elle n’y croyait toujours pas.