Cher papa Baek,

La première fois que j'ai entendu parlé de toi, je devais avoir 6 ans. Maman avait enfin cédé à tous mes caprices. Oui, tu es partis, donc tu n'es pas là pour t'en rendre compte. Ta fille est une chieuse de service quand elle le veux... D'ailleurs, c'est un trait de caractère qui vient de toi, à ce qu'il paraît. Je pense que c'est une manière à maman de me montrer qu'elle t'en veut... Ou de l'exprimer plutôt. Mais donc, comme je le disais, j'ai quand même attendu six longues années avant de voir ne serait-ce qu'une photo de toi ou même de connaître ton prénom. Maman n'avait pas l'habitude d'être vulgaire, mais à chaque fois qu'elle parlait de toi, quelques « gros mots vilains et méchants » sortaient de sa bouche. Je ne sais pas ce que tu lui as fait, elle n'a jamais voulu me le dire, mais ne reviens pas, elle risquerait de te tuer.

Mis à part le fait que maman soit une dégénérée qui voudra certainement te tuer si tu as le malheur, un jour, de passer le seuil de notre petite maison, je peux te rassurer en te disant que je n'aurais pas pu être plus heureuse quand j'étais petite. Maman était aux petits soins avec moi, j'étais sa princesse. D'ailleurs, c'est l'un des nombreux surnoms qu'elle me donne. J'ai le droit à tout, même des vertes et des pas mures : « ma grenouille », « mon chaton », « ma chouchoute »... & même devant l'école ! C'te honte que je me payais à chaque fois... Ha, les parents. Je me suis beaucoup interrogée sur toi, après que maman m'est montrée les photos. Je me demandais si tu avais fondé une autre famille ou si tu allais revenir un jours. Aujourd'hui, j'ai dix neuf ans, et je suis sans nouvelle de toi. Tu es un mystère pour bien, un problème que j'aimerais bien résoudre. Mais selon mommy, c'est mieux ainsi. Du coup, je ne vivais pas dans le secret, je savais que mon père était parti, qu'il ne reviendrait peut être jamais, que je ne le connaîtrais peut être jamais. Cela n'empêche pas que ton absence se faisait bien sentir. Maman et moi habitions à Séoul, on était tout les deux dans un petit appartement. J'ai jamais été malheureuse, mais je savais que maman avait du mal à suivre des fois. Elle ne me le disait jamais, mais je le voyais. Je suis rapidement devenue autonome. Je rentrais, je faisais mes devoirs, je rangeais quelques trucs et puis je l'attendais. J'étais sage à cette époque ! Tu aurais été fière de moi ! Elle en était elle même étonnée. Parfois, pour éviter que je me sente trop seule, elle me faisait garder par des voisins. Et puis on a proposé à maman de quitter la Corée du Sud pour le Japon. Un emplois qualifié d’exceptionnel ! Une occasion en or qu'il fallait absolument saisir.

J'étais trop petite pour comprendre, c'est mémé, la mère à maman, qui m'a expliqué ça, mais elle voulait plus que tout quitter cette ville. Elle regorgeait de souvenirs qui lui faisait mal au quotidien. Je ne l'avais jamais remarqué, mais je n'en doutais pas. A cette époque, maman s'absentait souvent pour aller voir sa maman. Pendant que j'étais chez les voisins. Elle ne voulait certainement pas faire porter son malheur à sa petite fille...

Nous avons emménagé au Japon en février. Nous avons un peu galéré à trouver un appartement potable, plus au centre. Nous avons déménagé plusieurs fois avant de trouver le bon, et heureusement, juste avant ma rentrée scolaire. J'avais peur d'aller à l'école, une coréenne qui ne parlait absolument pas japonais dans une grande école nationale, ça ne m'inspirait pas. J'avais peur de passer pour une idiote en ne comprenant pas... C'est dur d'aller dans un pays ou l'alphabet et la langue sont des barrières pour communiquer. Ma mère avait pris des cours, rapide. Elle avait déjà étudié le japonais, donc elle m'avait appris quelques trucs. Mais bon, j'ai tellement eu du mal avec cette langue que je ne sais pas si ça m'a vraiment aidé ses cours, bien qu'ils étaient remplis d'attention & d'amour. Mais maintenant, je passe sous silence ces mois d'apprentissage et passe mon temps à me vanter. Oui, je suis bilingue ! Japonais et Coréen, s'il vous plaît, je connais plain d'alphabet, je suis... Une experte !
Contrairement à tous les scénarios que je m'étais imaginés dans ma petite tête, j'ai été très bien accueillie. Les professeurs faisaient attention à moi, je me suis plutôt bien intégrée, voire même très bien. J'ai passé quatre longues années au Japon, je parle couramment la langue et me suis faite à cette culture. Elle peut sembler étrange, mais c'est une belle culture. Comme toute d'ailleurs. Ce pays fait parti de moi, je m'y suis construite et c'est à partir de ce moment là que j'ai commencé à vivre ma vie. Tu ne peux pas imaginé comme je me sentais chez moi là bas quelques semaines après être arrivée. Plus intégrée que dans toutes les écoles où j'étais, parce que je n'entendais personne dire que maman ne s'occupait jamais de moi. C'était « normal » que les gens pensent ça, mais je n'étais pas d'accord avec eux. Elle faisait tout son possible pour m'élever seule. Je pense que ce n'était pas facile pour elle, elle n'avait pas tellement quelqu'un pour l'aider, mis à part sa mère... Donc, comme moi, en arrivant au Japon, elle s'est fait sa petite place. Je me suis rapidement faire un bans de pote que je ne quittais jamais. Vu que maman était rarement dans mes pattes pour m’interdire d'aller traîner à gauche ou à droite. Je traînais donc, j'allais faire mes devoirs aux quatre coins de la ville, je me baladais, plus de limite. La belle vie.

Ah... Si tu savais. Je pense que tu ne peux même pas imaginer comme c'était bien, j'ai rencontré un certain Andy. Ce jeune homme était mon meilleur ami, il l'a été pendant un bon moment avant de devenir mon petit ami. On s'est mis ensemble un peu tardivement, certes, mais c'était encore mieux quand dans tous les dramas qu'on peut voir passer à la télé. Bien-sûr, ça serait trop long de tout te décrie. Mais j'étais vraiment heureuse, j'avais un peu oublié ou comblé l'absence que tu représentais chez moi. J'avais trouvé une personne qui s'occupait bien de moi, qui portait son attention sur moi, ce que je recherchais quoi. Parce qu'on ne peux pas dire que maman ait tout le temps est yeux sur moi, toi encore moins... J'étais seule, en quelque sorte. Donc d'avoir de la compagnie ne me faisait vraiment pas de mal.

Sauf que s'était bien trop beau pour durer, tu t'imagines bien ! Un jour maman a décroché le téléphone et s'est affolée. A peine avait-elle appris la nouvelle qu'elle réservait des billets pour le prochain avion en direction de Séoul, prévenant son absence au travail et m’emmenant évidement avec elle. Je n'eus pas tellement le temps de prévenir qui que se soit. Maman, à ma place, décida de la suite des événements : j'allais rester à Séoul. Pourquoi ? Mamie était malade. On venait de lui diagnostiquer un petit quelque chose, rien de très grave, mais il fallait qu'on s'occupe d'elle. Maman ne pouvait pas se le permettre, du coup, elle me demanda de le faire. Je suis donc retournée vivre à Séoul, chez mamie. Je ne suis même pas retournée au Japon pour dire au revoir à mes amis, ou même à Andy. Je me suis sauvée comme une voleuse, exactement comme j'étais arrivée. Ce qui me faisait le plus mal c'est de ne pas avoir prévenu Andy, de ne pas avoir pu lui dire au revoir ou même le revoir... On a évidement continué à parler, après mon déménagement. Les nouvelles technologies nous ont été très utiles, mais ça n'était pas comme avant. Le temps et la distance ont fait qu'on s'est un peu perdu de vu, voir même beaucoup. Ça s'est fait comme ça, sans raisons particulières. Chacun avait se petite vie de son côté... On ne communique donc plus vraiment, j'ai des nouvelles de lui grâce aux vidéos qu'il poste sur internet. C'est une sorte de starlette du Web. Je t'ai dis à quel point il était talentueux ? Non ? J'en loupe des bouts maintenant...C'est un très bon danseur et un excellent musicien et évidement le meilleur des professeur. Oui, j'ai eu des cours particuliers, je suis une petite chanceuse – je lui en ai donné aussi, des de coréen, mais voilà, c'est pas pareil ! Les années où nous jouions aux jeux vidéos ou lisons des mangas me manque réellement, je garde tous ces bons souvenirs dans un coin de ma chambre. Quelques fois, je tombe dans ce carton et j'y passe ma nuit ou ma journée. Je relis tous ces mangas. J'ai préféré les laisser dans mon carton, je n'ai pas encore eu le courage de le ranger ou de lui trouver une place dans ma petite chambre. Je n'ai pas vraiment de temps pour ça, ni pour moi d'ailleurs. Et même si j'en ai, il faut que je sois occupée, je ne supporte pas rester les bras croisés. C'est pour ça que je lui ai « copié dessus » en essayant aussi de percer sur la toile. J'ai peu être un peu de mal, mais je vais bien finir par me faire remarquer, non ? J'ai des danses assez originales ! Ça fait plusieurs année que j'ai commencé, c'était avant mon accident d'ailleurs...

En 2010, il y ba eu cet horrible orage ou même cette tempête. A ce qu'il paraît, je ne suis pas la seule à avoir été foudroyée ce jour là, nous étions plusieurs. Et oui, papa, ta fille est une miraculée, une vraie de vraie ! Bon, j'ai été hospitalisée un petit peu, parce que la foudre n'a pas attendu le bon moment pour m'attaquer et je me suis bien ramassée. Je ne suis pas restée longtemps, ne t'inquiète pas. Après cela, c'est étrange, j'ai l'impression d'avoir changé. J'arrive à comprendre ce que les gens ressentent, ou du moins, je les comprends mieux. Je ne sais pas si cette histoire est en lien avec mon accident, mais ça reste étrange... Et puis, je n'ai pas grand monde à qui en parler, vois-tu. Je me sens un peu seule depuis mon retour en Corée. Je vais finir par détester ce pays à mon tour, comme maman... Je ne la vois pas souvent, elle est très occupée. Elle m’envoie de l'argent en fin de moi, quand elle peut, pour que je m'occupe de mamie et de mon chat. Oui, j'en ai pris un. Elle a crié quand elle l'a su, mais bon, ça me fait un peu de compagnie.

Voilà, papa, tu sais à peu près tout. Je t'écris cette lettre mais tu ne l'auras jamais. Oui, je suis étrange, mais j'en avais bien besoin. J'aimerais te rencontrer, mais... je pense que si tu es parti, c'est qu'il y a de bonnes raisons.