D'apparence, je suis tout ce qu'il y a de plus normal, je crois. Je suis un simple eurasien qui se fond dans la masse. Enfin... C'est vite dit, certes, mais vous avez compris le principe, j'en suis sûr. Je me présente donc. Je m'appelle Yoann Sandford, j'ai vingt-et-un ans et je suis ce qu'on appelle communément un mannequin. J'ai posé pour Dior, Armani et Versace, puis j'ai eu la chance de défiler pour le grand styliste français Jean Paul Gaultier. En ce moment, je m'occupe principalement de combler Vuitton. Bref. J'aime vraiment ce que je fais et je profite avant d'être considéré trop vieux dans le milieu. Cela dit, je n'en aurais jamais eu l'idée tout seul, j'ai seulement eu de la chance en étant repéré alors que j'allais au lycée. On m'a trouvé trop petit mais ils m'ont assuré que ça ne se verrait pas sur les photos. J'ai eu trois centimètres de semelle pour le défilé, mais bon, c'était le prix à payer. Un jour, une demoiselle m'a demandé une photo dans la rue et elle m'a dit : « vous êtes tout petit, en fait ! » Comment ça, tout petit ? Je fais quand même un mètre soixante dix-sept, il ne faut pas abuser. Enfin bon, tout ça pour dire que je me fonds pas tant que ça dans la masse, en fait, mais je ne suis pas non plus super connu. En Corée, on me retient facilement à cause de mon identité purement anglaise, heureusement que mon prénom est prononçable pour eux, on ne m'embête pas. Enfin bref... Comment puis-je me permettre de parler autant de moi ? On devrait s'en contre-foutre, non ? Hé bien, je dois dire que... Je ne suis pas tout à fait normal. Je suis même... Complètement différent.

Je ne sais pas d'où ça vient, je ne sais pas pourquoi, je ne comprends pas comment, mais ça m'est arrivé à moi. Un matin, je me suis réveillé, je suis allé dans la salle de bain, je me suis préparé. Et quoi ? « Ah, c'est bien blanc, par ici, comme toujours. » Je me suis étranglé avec mon dentifrice. Pourquoi ? Parce que j'ai retiré ma brosse-à-dent de ma bouche et je l'ai vue si. bizarre. étrange. vivante. Vivante ? VIVANTE ? « Hey yo ! Évite quand même de m'écraser contre tes molaires, ça fait mal à mes poils. » Je l'ai laissée tomber sur le sol et après avoir entendu un vague « Mais aie-euh. » je me suis tout simplement évanoui. Quand je me suis réveillé, la tête contre la baignoire, je me suis dit que ce n'était rien, que ça allait. J'avais dû faire une baisse de tension, ou une connerie du genre, et puis juste m'écrouler, inconscient. Et je me suis dit... Que j'avais rêvé. Bref. J'ai continué ma petite vite sans que cette vision d'une brosse-à-dent qui parle ne quitte mon esprit. Horrible. Jusqu'au jour où j'ai appris, de la bouche de mon stylo, qu'une fille me matait en classe. Je me suis retourné et la demoiselle m'a souri puis glissé son numéro de téléphone... Heu. Ok ? Bon, c'est à partir de là que j'ai commencé à avoir très très peur de ces trucs chelous qui m'arrivaient. Une brosse-à-dent, un stylo. Après quoi, ça sera le PQ ? Oh non, pitié.

J'ai bien passé plusieurs semaines à me demander dans quel monde je vivais vraiment. J'étais un sorcier ? Ou juste un barge ? Est-ce que j'avais des hallucinations ou la magie existait-elle réellement ? Je ne savais pas, je ne le sais toujours pas et ne le saurais probablement jamais. J'ai juste découvert que mon cerveau n'était pas en faute puisque quelques personnes ont déjà cru rêver aussi... Vous savez, quand vous êtes bien gentiment avec votre petite-amie et que le préservatif, sagement rangé sur la table de chevet, se met à hurler « QUAND EST-CE QU'ON M'UTILISE ? JE M'EMMERDE, MOI. »... Hé bien. On a envie de mourir. Et puis on fout la capote à la poubelle surtout. Et je sais ce que j'avance, c'est malheureusement pour moi du vécu. Bref, depuis j'essaie plus ou moins de contrôler ce désastre. Je reste pendant quatre heures à fixer mon armoire en lui parlant. Mais rien.

Si quelqu'un connait un remède ou peu importe, un truc qui fait fermer leur gueule aux objets, alors je suis preneur. Cordialement, Yoann.