La soif. Il la ressentait de plus en plus et, sincèrement, ça commençait franchement à le déranger. Il pouvait faire tous les efforts du monde pour tenter de l’oublier, elle était toujours présente et lui restait amèrement prise en travers de la gorge. Par chance, la musique beaucoup trop forte et les lumières bien trop inexistante lui permettait de mettre ses envies de côtés, lui donnant également la chance de cacher son regard rubis aux yeux de ses clients. Plus il regarder l’heure passer, plus il avait envie de foutre le camp en courant. Le pire dans tout ça, c’est que ça arrivait pratiquement toujours lorsqu’il travaillait. Il prenait ses précautions et s’alimentait normalement. Et pourtant. Il avait cette hâte de retourner dans son appartement, de s’enfermer dans sa chambre et de ne plus en sortir, tant et aussi longtemps que cette rage de sang ne le quitterait pas. Il savait ce que c’était de devoir la combattre et de s’affaiblir volontairement. Il vivait avec cette envie constante de sauter au cou des gens depuis plus de quatre cents ans. Et ça le répugnait depuis presqu’autant de temps.

Trois heures du matin. Il n’y avait plus personne dans la boîte, sauf le garçon qui s’occupait du ménage et lui, qui rangeait ses bouteilles, fixant son comptoir, totalement perdue dans ses pensées. Il n’entendit pas l’autre homme lui parler, ne se rendit même pas compte qu’en quelques secondes, ils étaient à la même hauteur, presque nez à nez. « Tu m’avais pas dit qu’on pouvait retourner à la maison ensemble ? » Le chinois recula lentement, sortant de derrière le bar pour aller chercher ses effets personnels au vestiaire, enfilant directement sa veste. « Dégage, Sunae. Verrouille la porte en sortant. » Il l’entendit grogner, protester contre son ordre. Et pourtant, c’était toujours la réponse que le plus jeune recevait. En quelques minutes, le vampire s’était échappé, la capuche de son manteau remontée sur sa tête, lui couvrant les yeux à moitié. Par chance, l’appartement était tout près, ce qui l’empêchait de faire un quelconque détour ou d’être distrait par quoi que ce soit sur sa route – l’empêchant également d’aller satisfaire sa soif sur une ou un pauvre innocent qui aurait eu le malheur de croiser sa route.

Il ouvrit la porte de son appartement sans faire de bruit, retirant ses chaussures à l’entrée. Le silence le frappa de plein fouet. Généralement, la première chose qui lui rentrait dedans, c’était une grande tête blonde. Et pourtant, il ne vint pas. Le plus âgé posa sans bruit son manteau sur le crochet, entrant dans le salon pour fixer le canapé, ou plutôt, le dit grand blond qui y prenait place. La télévision était ouverte, le son pourtant coupé. Ses yeux étaient fermés, comme s’il s’était assoupi – ce qui lui semblait totalement impossible, sachant que Jianhu ne dormait que très rarement s’il n’était pas rentré. Une – mauvaise – habitude qu’il avait prise depuis qu’ils vivaient ensemble. Baotian contourna le canapé, se penchant derrière le plus grand pour l’enlacer, posant un long baiser contre sa nuque. « Tu aurais dû aller te coucher. » Ses paroles furent appuyées par une légère moue réprobatrice tandis qu’il nichait son visage au creux de son cou, s’attendant à se faire réprimander d’une seconde à l’autre. Non, il ne lui avait pas dit qu’il rentrerait si tard. Il avait surtout complètement oublié qu’il devait travailler ce soir là. Et, connaissant bien le plus jeune, il savait un peu à quoi s’attendre. En espérant que ce ne serait pas si pire.